Les mille et une facettes du métier de journaliste
Par Marie-Noelle Vallet

On cite souvent, à juste titre, l’ouvrage de George Orwell Down and Out in Paris and London, (1933) Dans la dèche à Paris et à Londres (10/18), et ce reportage sur la vie des moins que rien n’a pas perdu son intérêt mais il n’est pas le premier du genre.
Jack London, autodidacte, s’est rendu à Londres à l’époque ou ‘grâce’ aux horreurs commise par Jack l’éventreur, l’opinion publique avait ouvert les yeux sur les quartiers de l’East End (l’époque aussi où les malheurs de John Merrick, ‘ l’homme éléphant’ ont fait avancer la cause des handicapés, il vivait dans le même quartier). En 1903, paraît le fruit de ses quatre-vingt six jours d’investigation : Le peuple de l’abyme (10/18). Il prit aussi de nombreuses photos, inaccessibles à ce jour.
Aux USA, Dans la peau d’un noir (1961) de J H Griffin est aussi une référence.
Moins connu, Nickel and Dimed (1981), de Barbara Ehreneich, physicienne et biologiste devenue grande dame de l’analyse de son pays (avec Susan Sonntag, experte en dénonciation du voyeurisme contemporain et autres dérives américaines, entérrée à Paris), on a pu lire L’Amérique pauvre : Comment (ne pas) s’en sortir en travaillant (en 10/18)
En Allemagne, pour écrire Tête de turc (1986), Günter Wallraff se met deux ans dans la peau d’un turc.
Récemment, avec Le quai de Ouistreham, Florence Aubenas nous livre son vécu de six mois en région caennaise, à la recherche d’un CDI.
Belle conception du journalisme où l’évènementiel des autres est approprié par le journaliste. Vécu authentique ? Ce passage à la place des sujets d’observations, par son coté temporaire et décidé, génère certainement moins d’angoisses que chez ceux qui n’ont que peu d’espoir de se sortir de leur condition. On peut aussi se demander si côtoyer les vrais acteurs de façon anonyme n’est pas de nos jours le seul moyen pour que ceux sur qui les projecteurs sont braqués évitent les pièges que notre société du spectacle leur tend chaque jour toujours plus.
Références
- L’œuvre complète de George Orwell
- George Orwell dans la dèche à Paris et à Londres
- Barbara Ehrenreich : L’AMÉRIQUE PAUVRE, comment ne pas survivre en travaillant
- Barbara Erhenreich et la torture à Guantanamo
- Dans la peau d’un noir – J-H Griffin
Crédit photos : Come4News, Evene, Small Brothers
Il y a un truc qui me gêne un peu dans cette démarche. Enfin plus qu’un truc : d’abord, elle trouve un job de nettoyeuse de WC, n’a-t-elle pas justement demandé un truc bien crade, si c’était juste faire le ménage dans des bureaux c’était pas assez scoop…
Et puis bon, c’était une expérience dure, mais au bout du compte elle retournait dans sa vie de journaliste, c' »était un peu queuté non ?
Et enfin, florence va se faire un max de thunes avec ce reportage in situ !
Bonjour,
Je viens de lire le livre de F. Aubenas et j’en sors tout bizarre. On peut douter de sa legitimé de sa sincérité…, mais je trouve son récit plein de dignité. Et la dignité dont je parle ce n’est pas la sienne, ce sont ses compagnons (temporaires pour elle) d’infortune. C’est bcp moins poussé que dans ‘la peau d’un noir’ qui était bouleversant, mais cela reste un constat brut de l’incapacité de notre société à fournir un travail à tout le monde. c’est un constat brutal qui montre toute une catégorie de personnes ne pouvant se nourrir normalement malgré les heures et jobs accumulés. Ces exemples là se multiplient…
Pensez par exemple aux personnes qui livrent les journaux, les prospectus, les travailleurs non déclarés…
Notre société laisse de plus en plus de monde sur le côté de la route. Cela ne me semble pas très sain une société qui se prive de tant de forces tant de courages….
Bonjour @ Danielle et Azerty
merci pour ces précisions
effectivement la démarche est discutable mais si le travail d’investigation est bien fait, on ne peut que louer le désir de parler de ceux qui restent ‘sur le côté de la route’, ou mieux de leur donner la parole.
Seulement quelle représentation et quelles organisations (au sens anglais de syndicat) ont ils, et comment améliorer leur situation ou tout du moins comment faire pour que, comme vous le dites notre société ne se prive pas de tant d’énergie ? Quel parti politique tient compte de ces ‘noncomptés’ (titre d’un roman anglais ‘the unnumbered’ de Sam North mettant en scène ceux qui zonent) ? Emaüs, l’Armée du Salut ou autres assos caritatives ne font que du rapiéçage, redonnent de la dignité à la personne qui s’y investit mais toutes ces individualités ne se constituent pas en ‘classe’ sociale aux problème de laquelle on pourrait s’attaquer collectivement.. Le désespoir, la colère , la ‘violence’ dont on ne cesse de dénoncer l’ampleur n’ont ils pas pour racine cette impuissance à se faire entendre?