Médias français : guerre totale contre l’intelligence !
Par Denis


Dans une posture toute empreinte de suffisance et de condescendance, nous sommes parfois amenés à juger très sévèrement nos enfants qui tuent le temps sur Msn, enfermés qu’ils sont dans des prisons que nous aimons à leur construire. En délaissant les médias et surtout la télévision, occupés qu’ils sont à visionner les films téléchargés illégalement, ces jeunes ne sont-ils pas en train de reconquérir l’indépendance que leurs parents ont perdu à se gaver d’émissions de télé-réalité ou encore de courses automobiles, de matchs de rugby, de football ou de tennis à longueur de soirées ? J’en passe et de bien pires. « Le plus important, ce sont les gens qui tapent dans les balles ou qui tournent sur des circuits. »
La machine à abrutir
L’article de Pierre Jourde dans le Monde Diplomatique de ce mois d’août 2008 mériterait d’être lu dans tous les lycées et les collèges. Il y dénonce le retour de l’inculture sur les chaînes de télévision publiques et notamment l’arrivée de Patrick Sabatier, fleuron de la « nouvelle intelligence » du service public sous Sarkozy. La nouvelle réforme de l’audiovisuel français va permettre, avec la 2ième coupure publicitaire, d’augmenter et de vendre « le temps de cerveau humain disponible », selon l’expression de Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1.
Voici quelques extraits de l’article très talentueux de Pierre Jourde, professeur à l’université Grenoble III. Les mots sont durs. Ils sonnent justes !
« Le travail éducatif est saccagé par la bêtise médiatique. […] L’industrie médiatique ne se fatigue pas : elle va au plus bas. » Je parlais au dessus des films téléchargés. Il y aurait beaucoup à dire quant à l’abétissement qu’ils peuvent provoquer et sur les images véhiculées qui amènent nos grands daddets à adopter la tenue « baggy » et la casquette des rappeurs américains pour les garçons.
« Laideur, agressivité, voyeurisme, narcissisme, vulgarité, inculture, stupidité invitent le spectateur à se complaire dans une image infantilisée et dégradée de lui-même, sans ambition de sortir de soi, de sa personne, de son milieu, de son groupe, de ses choix. » Pierre Jourde met le doigt sur l’un des moteurs de l’origine des mécanismes de reproduction sociale.
« Si les médias des régimes totalitaires parviennent dans une certaine mesure, à enchâiner les pensées, ceux du capitalisme triomphant les battent à plate couture. » La démocratie dans nos pays se réduit au vote pour beaucoup de nos concitoyens. Après, ils retournent devant le petit écran voir ce qu’ils ont élus. Sommes-nous encore en démocratie ?
La lobotomie organisée !
« Le vide des informations complète la stupidité des divertissements. […] La plupart des citoyens ne connaissent ni la loi, ni le fonctionnement de la justice, des institutions, de leurs universités, ni la Constitution de leur Etat, ni la géographie du monde qui les entoure, ni le passé de leur pays, en dehors de quelques images d’Epinal. » J’ai toujours été très étonné, pour ma part, à plusieurs reprises d’avoir été qualifié d’intello alors, même, qu’à leurs époques respectives, mon grand-père et mon père qui n’avaient pas fait d’études supérieures en savaient tout autant que moi. Sinon plus. Il y avait à la sortie de la guerre et dans les années 60 l’envie de se sortir de sa condition, une volonté de comprendre, de connaître. Aujourd’hui, exister se résume souvent à paraître et consommer. Avant d’être intérieure, la richesse est devenue extérieure !
« On demande au premier venu ce qu’il pense de n’importe quoi, et cette pensée est considérée comme digne du plus grand intérêt. Après quoi, on informe des citoyens de ce qu’ils ont pensé. Ainsi, les Français se regardent. Les journalistes, convaincus d’avoir affaire à des imbéciles, leur donne du vide. Le public avale ? Les journalistes y voient la preuve que c’est ce qu’il demande. »
« Le triomphe de l’autofiction n’est qu’une phénomène auxiliaire de la peopolisation généralisée, c’est-à-dire de l’anéantissement de la réflexion critique par l’absolutisme du « C’est moi, c’est mon choix, donc c’est intéressant, c’est respectable ». » Ajoutons encore que cette réalité est construite et parfaitement artificielle par des professionnels dont l’objectif est avant tout de faire de l’audience.
En guise de conclusion
La conclusion de Pierre Jourde est terrible. « La bêtise médiatique n’est pas un épiphénomène. Elle conduit une guerre d’anéantissement contre la culture. Il y a beaucoup de combats à mener. Mais, si l’industrie médiatique gagne sa guerre contre l’esprit, tous seront perdus. » Je partage totalement cette conclusion !
Crédit photo : CawAilleurs
Bravo!
Bravo Denis d’avoir relayé ce salutaire article de Pierre Jourde dans le Diplo du mois d’Aout.
« Aujourd’hui exister se résume souvent à paraître et consommer.Avant d’être intérieure la richesse est devenue extérieure. »
Voilà une phrase qui me plaît.Elle pourrait ,elle devrait être le point de convergence de TOUS les socialistes…
Bien à toi
jp
Merci à toi Jean-Paul.
Salut je rajouterai que c’est là le paradoxe de notre société. Aujourd’hui, nous avons accès à une source d’informations non négligeable et qui n’a auparavant aucun égal. Que ce soit par le net, la profusion de sources papier ou bien par le média télévisuel avec ces chaines d’information non stop, nous n’avons jamais été aussi non/dés-informés que maintenant par temps de paix, cela s’entend….Il est vrai que nous sommes au courant de n’importe quelle grossesse du show biz, qui couche avec qui ou pas et j’en passe. PAr conter, ce qui se passe en ossétie ou bien au coin de noter rue est passé sous silence parce que pas assez bling-bling. qu’une mère de famille vole pour pouvoir nourrir sa famille semble moins important que de savoir le nom des jumeaux de Brad Pitt. Actuellement à Perpignan, se tient le salon VISA, il y est murmuré qu’une photo des jumeaux Pitt/Jolie permettrait dee faire fonctionner pendant six mois une agence de photojournalisme traitant de vrais sujets.
A bon entendeur. Dormez tranquille, Big Brother is watching you….
Bonjour,
Un petit rappel : dans les collèges et lycées de France et de Navarre, et même dans les écoles primaires, « intello » est depuis longtemps déjà une insulte (qui remplace avantageusement le « lèche cul » ou le « polar » d’autrefois. Un glissement sémantique qui ne doit rien au hasard.
Les grands médias sont vides, ils ne nous apprennent rien et surtout pas les choses vraiment importantes.
Heureusement, il y a Internet (avant qu’on nous le pourrisse ?): pour ceux qui ne savent pas qui est Denis Robert, et qui ne font pas la différence entre Clearstream et les petites embrouilles Sarkozo-Villepinistes, lancez juste ce mot clé sur vos moteurs favoris, et creusez un peu… Vous verrez à quel point on vous a bercés. Dommage, les meilleurs livres de Denis Robert (pourtant récents) sont pour l’instant devenus introuvables, lui et son éditeur ont trop de procès sur le dos…