Elections européennes : les 12 engagements de Bayrou et donc du Modem
Par Denis


Chez François Bayrou, la référence au chiffre 12 ne doit pas relever du hasard pur. Là où l’opposant pourrait évoquer les 12 salopards, donnons crédit au leader du Modem d’avoir de la culture. Dans la bible, le chiffre 12 est synonyme d’accomplissement et aussi de création nouvelle.
Je voudrais apporter une remarque liminaire : le texte intitulé « Notre engagement » est signé de la seule main de François Bayrou. Tout un symbole !
Le premier engagement nous rappelle que nous ne serions rien sans l’euro. Il faudrait nuancer et évoquer l’impossibilité statutaire de l’UE à s’endetter et à recourir à la planche à billets comme sont en train de le faire Etats-Unis et Royaume-Uni. François Bayrou – et donc le Modem – propose un grand emprunt européen de 3%. Seul problème : cela exige des nouveaux statuts de la BCE et de l’Union. Désormais, l’UE compte 27 membres. Le chef du Modem évoque un plan automobile dont il ne précise aucun contour, là où Yannick Jadot et Europe Ecologie parlaient d’un plan de reconversion vers les énergies renouvelables et les économies d’énergie.
Le deuxième engagement de François Bayrou évoque la part belle faite au marché. Mais à ce que je sache, le Modem et avant l’Udf ont toujours été les fers de lance de cette construction européenne. Bien sûr, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Mais j’aurais aimé, pour ma part, entendre le mea culpa de François Bayrou. Je peux sans doute attendre que les poules aient des dents.
Le troisième engagement parle sans le dire de l’activation du tarif extérieur en cas de distorsion de concurrence. Seul problème : là où le leader du parti orange réduit le champ de son analyse à l’environnement, il oublie de parler du social (travail des prisonniers, des enfants, …) et du fiscal.
Le quatrième engagement me semble relever du gadget et de la prise en compte du fait que nous soyons entrés dans l’ère de la médiacratie J’avoue avoir esquissé un très large sourire lorsque Bayrou dit : « Nous proposons que les délibérations des gouvernements, au sein du conseil, soient publiques, télévisées ou diffusées sur internet« . Je ne suis pas sûr que la présence d’une caméra rende les gens et leurs débats plus « intelligents ».
Là où le troisième engagement évoquait le marché mondial, le cinquième engagement traite de la question des distorsions fiscales à l’intérieur de l’UE. Je formule la même critique : pourquoi se cantonner au fiscal là où, au sein de l’UE, on peut aussi et surtout parler de distorsions dans le domaine social ? Pourquoi ne pas évoquer un SMIC européen ? La dernière réforme en matière sociale votée par le groupe auquel appartient François Bayrou est d’avoir repoussé la durée maximale du travail hebdomadaire à 65 heures sur 1 an. Faire le contraire de ce que l’on dit… un grand classique dans le monde politique français ! Bayrou n’y déroge pas.
Le sixième engagement est d’une banalité affligeante qui nous rappelle les engagements déjà pris à Lisbonne sur la recherche et la société de la connaissance. Je crois qu’à court terme et compte tenu du contexte de crise, nous aurions surtout besoin de savoir comment redonner du boulot aux demandeurs d’emplois non qualifiés. Les concernant, je doute que tous ces gens souhaitent d’une manière ou d’une autre revenir à l’école. Europe Ecologie a fait la proposition de la mise en place d’un revenu d’existence sans savoir d’ailleurs s’il s’agit d’une mesure transitoire ou permanente.
Le septième engagement me semble plus intéressant. Bayrou parle d’un budget européen insuffisant dont la moitié est consacrée à l’agriculture. Pour abonder ce budget, il propose la mise en place d’une taxe sur les transactions bancaires et boursières. Une remarque s’impose : la taxe Tobbin a pour but d’éviter les mouvements spéculatifs sur les monnaies. Or, en zone euro, où la monnaie est unique, cette taxe n’a pas lieu d’être. En revanche, pourquoi ne pas mettre en place cette taxe pour inciter certains pays à passer en zone euro ? Bayrou va plus loin : il parle de transaction boursière. L’idée me semble extrêmement intéressante.
Le huitième engagement propose un procureur européen avec autorité sur les polices et autres autorités de poursuite. C’est peut-être là sur ce sujet que je mesure la tiédeur de l’engagement européen de François Bayrou. Nous aurions été en droit d’attendre une proposition visant à passer à la vitesse supérieure sur la police, la justice et la défense. L’idée mérite d’être retenue.
Le neuvième engagement traite de la question agricole. J’aurais préféré au terme « sécurité alimentaire » celui d’autosuffisance alimentaire. Rien en revanche sur les OGM ! Tout juste le leader du Modem évoque-t-il l’exigence environnementale !
Le dixième engagement pose la question majeure de ce que la manière de prolonger la construction européenne. Je partage l’idée selon laquelle il y a besoin d’une avant-garde, c’est-à-dire d’un ensemble de pays disposant d’un très haut niveau d’intégration. Là où j’ai un désaccord avec François Bayrou, c’est sur la question du périmètre. Je crois que l’appartenance à la zone euro n’est pas un critère suffisant. Nous devons repartir sur un embryon ouest-sud limité à quelques pays : Allemagne, Benelux, Espagne, France, Italie et c’est tout.
Le onzième engagement est un exercice de style. Et la question est de savoir comment concilier nation, europe et régions ! Plutôt bien pensé et bien écrit ! Mention bien. ;+)
Le douzième engagement, en revanche, relève du galimatias dans lequel, pêle-mêle, Bayrou évoque l’immigration sans qu’on sache ce qu’il faut faire, le pillage des pays du Nord et les paradis fiscaux. J’avais, pour ma part, beaucoup apprécié le visa aller-retour que proposait Ségolène Royal lors de la dernière présidentielle.
Ma synthèse
Ce texte me semble relever de l’exercice solitaire. Et, à l’image de ce que j’ai vécu au Parti Socialiste, j’y apporterai la même critique de fond.
Pensés par des « experts » dont la compétence me semble quelque peu fragilisée par les circonstances ou pensés par des hommes en fin de parcours politique, les projets politiques sont au mieux un ramassis de banalités. Au pire, ils ne sont que la traduction d’hommes devenus hors sol à l’image de ces tomates sous serre élevées dans le nord de l’Europe.
Pour ce qui est de ce texte, j’y vois un grand ramassis de banalités desquelles émergent cependant quelques idées intéressantes. Malgré des progrès, élève Bayrou, sachez que je ne vous mettrai pas la moyenne ! Malgré vos qualités indéniables et votre ténacité légendaire qui peut forcer notre admiration, votre travail est aujourd’hui très insuffisant pour passer la barre du 2e tour en 2012.
Source : le site du Modem, télécharger les 12 engagements de François Bayrou
Crédit photos : NaturaVox, Linternaute voyager, UPA, TAI