Retraites : la vérité est ailleurs !
Par Denis


Depuis 1993, le choix des gouvernements de droite et de gauche d’augmenter la durée de cotisations, prétextant un allongement de l’espérance de vie, va à contre-sens de l’histoire. Depuis l’avènement du capitalisme, les gains de productivité ont permis de diminuer considérablement le temps de travail. Après l’agriculture et l’industrie, les services font à leur tour – du fait d’une informatisation galopante – des gains de productivité et de personnels spectaculaires. Il suffit d’aller dans un supermarché pour s’en rendre compte. Avec le ralentissement de la croissance, faire le choix d’augmenter la durée de cotisation, c’est donc prendre le risque, en augmentant la force de travail, de tout simplement faire exploser notre régime de répartition en contribuant à développer davantage de chômage. Or, avec 5461800 demandeurs d’emploi en France métropolitaine, rien dans les recettes qui nous sont proposées ne permettra de maintenir notre système de retraites !
Les retraités et les entreprises épargnés !
Les spécialistes qui se succèdent dans les médias nous enferment dans la croyance qu’il existerait seulement trois leviers pour financer nos retraites : augmenter la durée de cotisations, baisser le niveau des pensions, augmenter les cotisations. Si le gouvernement n’a pas fait le choix de baisser le niveau des pensions, c’est principalement dans le but de préserver ses intérêts électoraux en vue de 2017 ! Il ne faut pas fâcher un vieux qui vote. Quant à la hausse des cotisations annoncée, elle sera compensée par une baisse des allocations familiales. Les employeurs qui réclament toujours plus de compétitivité-prix par la baisse du salaire direct ou indirect seront donc épargnés par cet nième reparamétrage du système de financement des retraites. La charge supplémentaire incombera donc une fois de plus aux ménages !
Élargir l’assiette
Il existe pourtant une autre solution. Elle consiste à changer l’assiette du financement de la protection sociale. Avec toujours plus de machines et d’importations, la masse salariale va continuer de se réduire au profit de l’EBE (profits et rentes). Ce mouvement est irrémédiable du fait d’un système économique toujours plus capitalistique. La part des salaires dans la valeur ajoutée des sociétés non financières a baissé de 10 points depuis 1980 ! Il faut donc changer d’assiette pour le secteur marchand (1) en calculant les cotisations à partir de la valeur ajoutée. Agriculteurs, petites et grosses entreprises et professions libérales seraient alors sur le même pied d’égalité, plutôt que de passer leur temps à chercher de s’exonérer du paiement des cotisations. Élargir l’assiette, c’est mécaniquement diminuer le coût du travail !
(1) Pour le secteur non marchand, il faut garder comme base le montant des salaires versés. Il est difficile d’estimer la valeur ajoutée du secteur non marchand, comme le fait l’INSEE, au coût de production !
D’accord sur l’analyse. Sur la solution, en partie ; augmenter la TVA de manière importante me semble une bien meilleure idée que d’augmenter les cotisations. Évidement, si l’on fait cela, il faudra aussi augmenter le transfert vers les plus démunis pour compenser l’injustice intrinsèque de la TVA : schématiquement, c’est ce qui serait mis en place avec l’introduction du revenu de base.
@Kelson
Je ne parle pas de TVA. Je parle de cotisations assises sur la base de la valeur ajoutée. C’est pas pareil !!!
@Denis, c’est bien pour cela que j’écris « en partie ». Il faut bien lier à la valeur ajouté, mais le problème d’une telle cotisation c’est qu’elle augmenterait de facto les coûts de productions. Il me semble bien préférable d’utiliser la TVA, ce qui offre le double avantage de ne pas impacter la productivité/compétitivité nationale tout en taxant les produits d’importation.
Mais non. En élargissant l’assiette, on diminue les coûts de production ! La TVA touche avant tout les ménages disposant de peu de pouvoir d’achat. Or ce sont eux qui font tourner la machine. Je ne suis pas pour forcément pour le consommer moins. Je suis pour le consommer mieux. Les deux logiques peuvent certes se rejoindre.
@ Denis Je comprends peut-être mal ce que tu veux dire ; mais je ne vois pas comment on peut augmenter les cotisations patronales et diminuer les coûts de production. Explication bienvenue.
@Kelson
Une partie de plus en plus grande de l’activité se réalise sans salaires : importation, production de plus en plus capitalistique. Si tu prends comme base la valeur ajoutée, ce sont toutes les activités qui sont concernées par le financement de la protection sociale. De ce fait, les coûts de production en sont diminués dans les secteurs où nous utilisons le plus de main d’œuvre !
@ Denis
Si tu veux « arrimer » les cotisations patronales à la valeur ajoutée plutôt qu’à la masse salariale, alors cela revient au principe de la TVA. En-fait, modulo quelques « détails », comme le fait que les importations ne seront toujours pas soumises à ces cotisations patronales et les exportations « oui ». Je ne dis pas que cela sera la même chose qu’une augmentation générale de la TVA, mais cela reviendra plus ou moins à faire des augmentations de TVA sectorielles (basée sur le ratio masse salariale/valeur ajoutée). Au niveau macro-économique, cette augmentation de de la redistribution de valeur représentera bien une augmentation des cotisations patronales.
Mais non. La TVA est supportée par le consommateur. Les cotisations entrent dans les coûts de production d’un service ou d’un bien. L’État ne rembourse pas encore les cotisations qu’on lui verse.
Du point de vue macro-économique, s’il peut y avoir augmentation, les entreprises qui emploient beaucoup de main d’œuvre verront leurs cotisations baisser relativement aux autres !
1. Ce que je capte pas dans l’élargissement de l’assiette à la VA c’est comment cela affecte le calcul des points pour le salarié (si elle l’affecte d’ailleurs).
2. « Du point de vue macro-économique, s’il peut y avoir augmentation, les entreprises qui emploient beaucoup de main d’œuvre verront leurs cotisations baisser relativement aux autres ! »
Je crains donc que beaucoup de PME en prennent plein la figure et que des gros employeurs (ex.BTP) soient ravis. Faux voire.
Mais bon, je pense que cette approche reste un palliatif car sans croissance (et je ne crois pas au retour de la croissance) rien ne sera résolu durablement. Et Il faudra bien traiter parallèlement la question du rapport salaire/coût de la vie dans les échanges (protectionisme donc) évoqué par M. Boilon en commentaire de votre article « Retraites : changer d’assiette ».
Dans une optique plus prospective, l’approche de Bernard Friot (que vous devez connaître) me semble avoir le mérite de reprendre les données à la racine, en déconnectant emploi et salaire, et en faisant exploser le concept même de retraite.
Après tout puisqu’on va à la cata, autant être innovant.
ref. son dernier entretien sur F.Inter chez Mermet et aussi
http://www.humanite.fr/social-eco/bernard-friot-le-salariat-c-est-la-classe-revoluti-547252
Je précise que je ne suis pas du tout d’accord avec son concept de révolution par la classe salariale, le salariat restant pour moi une aliénation, euphémisation de l’esclavage.
@Pascal
On peut découpler complètement le système du calcul du point des montants versés. C’est d’ailleurs tout l’intérêt d’un régime de répartition.
Une économie sans Croissance qui continue de croître à 0.5% voit les plus riches (non salariés) s’enrichir et les salariés s’appauvrir. S’appuyer sur la valeur ajoutée permettrait d’augmenter les salaires relativement à l’EBE en supprimant les cotisations calculées sur les salaires.
Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait que le salariat est une forme d’esclavage moderne.