Monnaies locales, marqueurs de la désintégration sociale !
Par Denis


En Grèce, le chômage en juillet 2012 vient de dépasser la barre des 25%. Sur 4 ans, le PIB grec a reculé de 19%. Et c’est dans ce contexte qu’apparaissent, dans ce pays, les monnaies locales !
D’où viennent les monnaies locales ?
Les principales expériences autour des monnaies locales furent initiées dans les années 30, en pleine crise économique. En 1931, c’est en Bavière dans la ville minière de Schwanenkirchen que fut créée une première monnaie dite fondante (dont la principale propriété est de perdre de la valeur d’échange avec le temps), la Wara. Il y eut aussi l’expérience de Wörgl, une petite commune du Tyrol autrichien de 1932 à 1933.
C’est à la lecture de la crise économique qui secoua l’Argentine en 1890 que Silvio Gesell écrivit la théorie de l’ordre naturel. Dans cet ouvrage, il mit en avant deux principes. L’argent à l’image de la nature doit « rouiller », c’est-à-dire perdre régulièrement de sa valeur afin de ne pas avoir intérêt à le conserver inutilement et de le faire circuler dans l’économie réelle. Pour Gesell, il faut par ailleurs assurer une circulation monétaire constante afin de garantir la stabilité des prix. Le paradoxe de Gesell est d’être proche des représentations monétaristes de Milton Friedman. Les crises viennent d’un défaut de liquidité de la monnaie. Pour les monétaristes, en période de déflation, il faudrait injecter de la monnaie supplémentaire pour maintenir l’activité. Pour Gesell, il faut déprécier la valeur de la monnaie.
Faisabilité des monnaies locales
Le paradoxe des monnaies locales en cherchant à intensifier l’activité locale nous pose la question de l’utilisation des ressources nécessaires au fonctionnement d’une ruche « humaine » passée de 1.5 à 7 milliards d’habitants en 120 ans. Il est paradoxal que les idées de Gesell s’incarnent aujourd’hui dans l’idéologie de la décroissance. Les monnaies locales ont toujours été instituées pour faire face au chômage et au ralentissement de l’activité, autrement dit pour assurer de la croissance.
Quel est aujourd’hui le degré de faisabilité d’un système pensé à une époque où le degré d’interdépendance des économies était beaucoup plus faible que le nôtre ? Dans ce cadre, les monnaies locales peuvent-elles réellement nous aider à nous « démondialiser« , là où d’aucuns pourraient y voir des cautères sur une jambe de bois jetés en pâture à quelques bobos écolos décérébrés ?
@Denis
Les monnaies locales, au moins dans l’histoire récente du capitalisme, apparaissent lors des contractions post-bulles de crédit. La liquidité faisant alors défaut il faut la compenser par qq choses : monnaie locales, troc…..
On peut je pense ajouter un phénomène récent: la liquidité ne manque pas au niveau international, loin de la, mais elle n’est pas la ou elle serait nécessaire: paradis fiscaux, immobilier… simple reflet des inégalités qui sapent les bases même du système capitaliste.
Et pire l’argent est stérilisé dans les banques centrales à l’exemple de la FED:
http://research.stlouisfed.org/fred2/graph/?id=M2V
On est en pleine trappe à liquidité: les banques centrales produisent de la liquidité qui est ensuite placée…dans les banques centrales.
Second phénomène la liquidité bouge de moins en moins:
http://research.stlouisfed.org/fred2/graph/?id=M2V
Cela n’augure pas un avenir économique à court terme très « joyeux ».
@Yann
L’argent est stérilisé par les plus riches qui thésaurisent la monnaie sans rien en faire. Ou quand ils l’injectent, ils arrivent encore à « financiariser » le réel par des rendements à 15%.
Bonjour Denis,
J’aimerai essayer de compléter votre article et d’y apporter des informations : avant toute chose il a existé des monnaies locales il y a bien longtemps, au moyen âge et en égypte ancienne notamment. Ensuite on ne peut pas dire que les monnaies locales soient toutes fondantes.
Enfin, croissance, décroissance, cela dépend de quoi. La spécificité d’une monnaie fondante par rapport à une monnaie capitaliste est de séparer la notion de thésaurisation de la monnaie et donc d’éviter son accumulation. Effectivement cela augmente les échanges de richesses. De là à dire que cela « assure de la croissance » je pense qu’il est intéressant d’aller voir au cas par cas. Quand il n’y a plus d’échanges, en général, c’est la pauvreté ou la crise voire la mort s’il y a absences d’échanges total.
Je suis d’accord avec vous que la croissance folle ne nous sortira de rien du tout mais il me semble qu’une monnaie, fondante ou non, lorsqu’elle remplit des fonctions sociales basiques et essentielles comme permettre à ses utilisateurs de faire des échanges vitaux, alors la question de savoir si idéologiquement elle favorise la croissance, la décroissance ou autre est un détail.
Pour finir, je crois que votre dernière phrase ne met en valeur ni votre article, ni vous.
@Etienne
Je n’ai jamais cherché à me mettre en valeur.
Il y aurait beaucoup à dire sur toute cette bouillie intellectuelle autour des monnaies locales, des SEL et du localisme dont le caractère identitaire est aujourd’hui très largement repris par l’extrême-droite. C’est en cela que je parlais de bobos écolos décérébrés !