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Alliot-Marie, Fillon, Sarkozy…la mauvaise foi en bandoulière

Par      • 12 Fév, 2011 • Catégorie(s): Politique  Politique    

La mauvaise foi incarnée !

Jeudi au soir encore, le Président Sarkozy affirmait : « Dans les voyages des ministres à l’étranger j’ai vérifié : pas un centime des deniers publics n’a été utilisé pour ces voyages ! » Faux ! Cette affirmation, devant 8.4 millions de français,  est fausse.  Il y a bien eu utilisation de deniers publics : ceux des contribuables tunisiens et égyptiens spoliés par leurs dirigeants voyous soutenus dans leurs comportements par nos propres dirigeants ! Le chef de l’Etat français ne peut pas ne pas le savoir. Et pourtant il ment éhontément.

Plus c’est gros, plus cela semble passer. Le sens des mots, un canulard en politique ! Quand la bulle de la mauvaise foi, actuelle valeur cardinale en politique, éclatera-t-elle ? C’est bien la question que l’on peut se poser au regard du nombre d’affaires qui, aujourd’hui, sont devenus tellement « normales » qu’elles ne semblent même plus éclabousser en rien leurs auteurs ?

Quelques exemples détaillés

Au plus fort de la crise tunisienne notre ministre des affaires étrangères, devant nos parlementaires, propose au régime policier de Ben Ali « le savoir-faire français, qui est reconnu dans le monde entier, pour régler les situations sécuritaires de ce type »

Extraits du pv de l’Assemblée Nationale le mardi 11 janvier

Madame Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, oui la Tunisie comme l’Algérie connaissent en ce moment des mouvements sociaux de grande ampleur et qui touchent particulièrement les jeunes. Face à cela, plutôt que de lancer des anathèmes, […] notre devoir est de faire une analyse sereine et objective de la situation. Parlons du fond, tout d’abord. Il est vrai que dans ces deux pays, il y a énormément d’attentes – notamment de la part des jeunes, et en Tunisie particulièrement de jeunes formés – de pouvoir accéder au marché du travail […] Le deuxième problème est effectivement celui des décès et des violences constatées à l’occasion de ces manifestations.


M. Maxime Gremetz. Cinquante-deux morts !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. On ne peut que déplorer des violences concernant des peuples amis. Pour autant, je rappelle que cela montre le bien-fondé de la politique que nous voulons mener quand nous proposons que le savoir-faire de nos forces de sécurité, qui est reconnu dans le monde entier, permette de régler des situations sécuritaires de ce type.

M. Roland Muzeau. Quelle honte !

M. Pierre Gosnat. Et Ben Ali ? Répondez à la question !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. C’est la raison pour laquelle nous proposons aux deux pays de permettre, dans le cadre de la coopération, d’agir dans ce sens, afin que le droit de manifester soit assuré de même que la sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Desallangre. Quelle duplicité !

On apprendra quelques jours plus tard que Madame Alliot-Marie vient de passer ses vacances de fin d’année en Tunisie aux bons soins et avec le jet privé d’un « ami » très proche du président tyran aujourd’hui déchu. Une polémique parlementaire se déclare dans laquelle l’opposition a beau jeu de dénoncer l’attitude irresponsable de la ministre fermant pudiquement les yeux sur les membres de son propre camp, parfois peu regardants eux aussi dans le passé sur leurs destinations de vacances ou certaines lucratives amitiés.

Rebelote ! Moins d’une semaine après, c’est au tour du 1er ministre François Fillon de reconnaître benoitement qu’il a passé ses vacances en Égypte et que lui aussi a bénéficié des jets du président égyptien. Hosni Moubarak ce héros qui préserve Israël tout en mettant son peuple en coup réglé et en accumulant les milliards pour les comptes de sa famille. La paix n’a pas de prix et l’argent peu d’odeur.

L’opposition s’arcboute, crie au scandale, demande la démission de MAM. Noël Mamère veut parler d’affaire d’État, mais là aussi les mots non plus de sens. Déjà le 22 juin 2010 pour l’affaire Bettencourt-Woerth, le parlementaire écologiste parlait aussi d’une possible affaire d’État. Et l’affaire sera enterrée avec le départ du ministre à l’occasion d’un remaniement après lui avoir laissé le sale boulot d’une sale réforme de la retraite. Des tas d’affaires plutôt !

Revenir à la parole donnée.

Citons ici le passage d’un article de Jacques Salomé qui date de 2004.
« Je viens d’une époque et d’un milieu où la parole donnée représentait une valeur quasi sacrée. Mentir pour soi était à peine accepté, mentir pour quelqu’un, juste toléré, mais mentir contre quelqu’un aurait été impardonnable […] Je ne suis pas naïf au point de croire que la mauvaise foi n’existait pas autour de moi ou que c’est une invention récente, mais il me semble qu’elle n’était pas, comme aujourd’hui, une valeur en plein essor.
A l’école, pratiquer la mauvaise foi, la tricherie, la magouille, c’est être perçu comme quelqu’un de sérieux, « pas un bouffon qui se fait baiser à tous les coups
».
Nous voyons que la vie sociale est une jungle habitée de beaucoup de dangers. La mauvaise foi fait vivre tout un monde ! En politique, ce qui compte, pour se faire élire, n’est pas tant la respectabilité ou l’honnêteté du candidat qui convoite nos suffrages, c’est d’être convaincant surtout dans ses mensonges, de paraître sincère dans la tromperie, de savoir vendre des promesses.

La mauvaise foi semble avoir de beaux jours devant elle, elle est devenue une façon d’être, un moyen pour certains de survivre, de tenir la tête hors de l’eau, et pour d’autres, de dévitaliser la vie et de maintenir la tête des autres dans… l’eau.

Attention à ne pas se tromper de combat.

La porte s’ouvre très largement à tous les populistes qui ont beau jeu de dénoncer la classe politique dans son ensemble. Et les politiciens de tous poils vont avoir beau jeu de dénoncer en retour ce populisme qui apporte de mauvaises réponses à de vraies questions. Se repliant dans la dignité de leurs fonctions et derrière les contraintes d’un professionnalisme en politique que la modernité des temps exige, ils vont justifier leurs pratiques. « La satisfaction de l’électeur prime et un mensonge n’engage que celui qui s’y laisse prendre ».

Il ne s’agit ici que de revenir à des fondamentaux des relations humaines à la suite de l’explosion d’un cadre social contingent, jusqu’alors communément admis, au profit d’un individualisme consumériste. Les valeurs marchandes balayent les obligations collectives.

Au milieu du siècle dernier en milieu paysan, la parole donnée e*était d’or. Pas besoin de papier, de contrat. Une parole, une seule et l’affaire était faite. Cochon qui s’en dédit et le coup de poignard est « juste » pour celui qui trahit l’autre.

Revenons en donc au sens de la parole donnée.

Écoutez la petite histoire de François Morel en ce vendredi 11 février sur France Inter. Il était une fois…un roi (et sa grenouille). Elle est pleine de charme est en dit très long sur le détournement du sens de la parole donnée.

Trop de grenouilles ont été écrasées par trop de rois et roitelets.

Cette grande débâcle du sens des mots est le symptôme d’un irrespect des dirigeants envers ceux qui leur ont confié la tâche de les représenter. Ses conséquences sont graves pour le discrédit jeté sur l’ensemble de la vie politique et par l’hypothèque du futur qu’elle contient. Qui pourra désormais faire confiance dans de telles conditions où le sens donné varie selon l’interlocuteur et le gré des circonstances ?

Sachons redonner aux mots et aux engagements le sens qui est le leur. C’est à ce prix que nous retrouverons le sens du politique, de la parole échangée en public qui vaut engagement de celui qui la prononce. Le sens est essentiel : il est l’essence de la compréhension, la porte de sortie du chaos vers la construction collective dont nous avons tous besoin dans un monde mondialisé de 6,8 milliards d’être humains.

Jean-Noël Chassé APIS

Crédit photos : la mauvaise foi en débat pour les nulsFan de cinéma

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2 Réponses »

  1. @Jean-Noël

    Merci de ce billet éclairant qui nous montre, une fois de plus, toute la complexité de la relation entre éthique et politique.

    Je n’avais pas entendu la remarquable chronique de François Morel. Elle illustre à merveille la nature de la relation entre gouvernés et gouvernants.

  2. 1- Avez-vous trouvé Nicolas Sarkozy convaincant ?

    Pas convaincant pour 54 % des sondés.

    2- Avez-vous trouvé Nicolas Sarkozy convaincant concernant les sujets suivants ?

    Nicolas Sarkozy a été convaincant sur deux sujets :

    – La dépendance : convaincant pour 58 % des sondés.

    – La grève des magistrats : convaincant pour 51 % des sondés.

    Nicolas Sarkozy n’a pas été convaincant sur tous les autres sujets :

    – L’utilisation par Michèle Alliot-Marie d’un avion privé : pas convaincant pour 54 % des sondés.

    – La sécurité des biens et des personnes : pas convaincant pour 55 % des sondés.

    – La lutte contre le chômage : pas convaincant pour 60 % des sondés.

    – Les réformes de la fiscalité : pas convaincant pour 63 % des sondés.

    – Les inégalités sociales : pas convaincant pour 65 % des sondés.

    – Le pouvoir d’achat des Français : pas convaincant pour 70 % des sondés.

    http://www.leparisien.fr/politique/sarkozy-n-a-pas-convaincu-12-02-2011-1311971.php