Un homme de gauche.
Par Virginie

De nombreuses personnes actuellement semblent ne plus savoir ce qu’est un homme (ou une femme) de gauche.
Je vais vous donner un exemple d’un véritable homme de gauche.
Dans les années cinquante, un jeune homme s’installe comme huissier de justice, l’une des professions les plus haïes de France.
Son père est cantonnier, sa mère brodeuse, et, communiste convaincu, il a un peu de mal à assumer sa réussite sociale.
Il ne fait pas payer ses conseils juridiques, ce qu’il doit pourtant faire, il prend pour ses constats le prix minimum ainsi que pour ses actes (ce qui fait que certains abrutis vont voir un de ses confrères pour un nouveau constat ou pour un nouvel acte croyant que les siens ne sont pas « aussi bons » vu le prix !).
Ne supportant pas de voir des personnes acculées par les dettes, notamment des agriculteurs, ils proposent aux créanciers des échéanciers jusqu’à un retour à meilleure fortune de leurs débiteurs et en cas de refus payent lui-même les créanciers.
Bien souvent les personnes endettées ne peuvent pas le rembourser en espèces, alors elles lui donnent des oeufs, des poulets, du lait, du beurre, de la crème ou lui confectionnent des gâteaux et des tartes, ou encore de la confiture.
Gêné, il accepte, sachant que pour certains c’est un vrai sacrifice et conscient que pour d’autres c’est une façon de profiter de lui…
Un jour, la Chambre des huissiers le convoque. Elle lui reproche son comportement qui porterait atteinte à leur profession.
Devant ses pairs, il explique que vu ses origines et ses convictions politiques (il est élu communiste au conseil municipal du village où se situe son étude) il ne peut supporter de voir de pauvres gens privés du peu qu’il leur reste. Il rappelle que les créanciers sont payés, que personne ne s’est plaint et qu’il fait sérieusement son travail. Il finit son allocution par un « et puis d’abord je vous emmerde » et part en claquant la porte !
Il n’a aucune sanction, en réalité rien ne peut lui être reproché, il n’a que l’incompréhension et le mépris de ses collègues.
Il a tant tiré sur la corde que pendant deux années, il n’est même pas imposable au titre de l’impôt sur le revenu.
Un jour, lors d’un contrôle effectué par l’un de ses collègues, sa petite fille s’étonne de voir arriver un homme habillé d’un très beau costume, dans une Saab 900 turbo toute brillante. Il lui répond « bah, il est tellement gros qu’il va claquer d’un coup de sang » (chose faite 15 jours après !) lui expliquant « de l’argent il en faut assez pour vivre, mais pas trop pour ne pas devenir con ».
A sa mort, alors que l’église du village est d’habitude bondée, il n’y a que la moitié de l’église qui est remplie, ça ne fait pas bien d’aller à l’enterrement du huissier (même s’il vous a sauvé la mise) et alors que les tombes croulent toujours sous les fleurs, la sienne ne présente que quelques rares plantes…
Pour sa famille c’est très dur. Les très nombreuses cartes de remerciement envoyées à son domicile remontent un peu le moral de sa petite fille mais ne font que la conforter dans l’idée que les gens sont lâches…
Elle se rappelle alors ce qu’il disait toujours « tu sais, je ne fais pas ça pour avoir des remerciements, je le fais parce que ça me fait plaisir de le faire, ça me fait plaisir d’aider les gens ».
Il aurait eu 82 ans vendredi, il se prénommait Sylvain, c’était mon grand-père.
Ton billet me rappelle cette terrible phrase prononcée par Giscard d’Estaing qui avait coûté la victoire à Mitterrand en 1974 : « Vous n’avez pas le monopole du coeur ». Il était content d’avoir fait un bon mot.
L’obscénité de ce propos prononcé par l’ancien Président de la République est toujours d’actualité.
Merci pour ce billet.
bonjour,
Ca fait du bien de voir qu’il existe/a existé des hommes de bien. Que le fait d’aider son prochain n’est pas qu’une phrase de prèche dasn les églises et qu’elle est rééllement applicable dans la vie de tous les jours.
Merci Virginie, Un grand/saint homme que ton grand-père.