L’esprit de Mai 68
Par Andre Szalkowski

Est-il possible de tuer un esprit ? On ne peut qu’en douter mais elle, la Droite, affiche clairement sa volonté de tuer celui de Mai 68.
Que peut bien recouvrer un tel projet idéologique quelque quarante après les faits et si l’on tient compte, en outre, de ce que les générations aujourd’hui en activité n’ont qu’une vague idée de ce qui s’est passé ?
Pourquoi cette Droite continue-t-elle de vouer une haine aussi tenace à ce que nous, les jeunes de l’époque, avons vécu comme une formidable libération, un appel d’oxygène salvateur dans une société post-gaullienne au bord de l’asphyxie ?
Le défilé réactionnaire de la Droite apeurée aux Champs Elysée n’y a rien changé: enfin nous respirions et ces gens-là ne pourrons jamais remettre en cause cette grande victoire.
Tous nos maux, toutes les tares de la société actuelle seraient si l’on comprend bien imputables à Mai 68. Quelle sottise !
La Droite voudrait accréditer l’idée que la Gauche est doctrinaire tandis qu’elle-même ne l’est pas. Quelle supercherie !
Nous sommes beaucoup « d’héritiers » de ce beau mois de Mai 68 que nous ne regrettons pas et surtout pas l’audace de notre jeunesse qui nous poussait alors à secouer une société complètement sclérosée. Et ce ne fût d’ailleurs pas qu’un phénomène franco-français.
Contrairement à ce que ces gens-là veulent faire croire au bon peuple, notre génération n’a pas ruiné le pays, elle ne s’est pas grassement payée « sur la bête » au détriment des générations futures. Bien au contraire, dans un contexte beaucoup plus frustre qu’aujourd’hui et très loin du consumérisme actuel, nous avons énormément travaillé dans le droit fil de nos aînés qui, eux, se sont échinés à relever notre pays – à le nourrir surtout- au lendemain de la guerre.
Prétendre que les « héritiers » de 68 ne seraient que des bobos repus, rassis et égoïstes relève de l’ignominie si ce n’est de l’escroquerie intellectuelle.
Mais enfin, tactiquement l’équipe au pouvoir est très au point: elle manie avec maestria l’art de la diversion.
Cheveux longs et idées courtes… Souvent, la parole est là pour faire croire au contraire.
Et vous en savez quelque chose en la matière Denis, n’est-ce pas !?!
A moins qu’il n’y ait quelques changements capillaires en vue ! ;+)
Ce serait dommage vous êtes mignon comme ça !
Et puis il faut rester soi-même !
En tout cas ce que je n’ai jamais compris c’est comment cela se fait-il que tous ces jeunes avec un si fort désir de liberté et de vie sont devenus des bobos empêtrés allergiques au changement(je connais et cotoie un certain nombre de ces « spécimens », du genre le gars qui a gardé un pavé fièrement chez lui).
Certains sont même des communistes révolutionnaires, sombrant face aux idéaux égalitaristes, tuant par là même la moindre envie d’aventure, de vie d’innovation!
Il faut qu’on m’explique…
Qu’est-ce qui dans l’agitation quasi-parkinsonienne actuelle ne relève pas de l’escroquerie intellectuelle ?
Mais peut-être que les électeurs se croient dans un bon vieux blockbuster…
Eh bien, moi je ne ressemble absolument pas à la caricature décrite,à savoir le « spécimen » avec son pavé dans la vitrine en guise de souvenir.
Nous n’étions pas tous étudiants, le Boulmich était loin. Je redis à Gemini et à qui veut le comprendre que c’est au parfum de la liberté que nous avons goûté. Les communistes dont il parle, je ne saisis pas du tout ce qu’ils viennent faire ici.
En revanche, ma question reste posée et elle est plus importante qu’il n’y paraît: pourquoi vouer une telle haine à des évènements vieux de 40 ans?
Travailler sur l’imaginaire social-historique institué, c’est la force de Sarkozy… à son l’insu de son plein gré ?
Il n’a pas oublié non plus les Français de l’époque qui ont défilé dans les rues pour sauver la France de la « chienlit ». Ils ont voté pour lui en 2007.
Je persiste à croire qu’il y a une fois de plus du Guaino dans l’air.
J’aurai tendance a y voir une sorte de « coming-out », doublé d’un outil d’instrumentalisation symbolique.
La façon, par exemple, de toujours qualifier les faits d’ « évenements » est constitutive de la façon de les percevoir, et donc de les expliquer.
C’est en quelque sorte vouloir faire abstraction de tout l’enchainement historique qui les a amenés a se produire.
J’ai souvent cru percevoir chez certains qui en parlaient comme un moment ayant échappé a toute norme, quasi-indicible.
Pour d’autres, une sorte de révulsion face à un pouvoir qui vacille.
La force de la droite est peut-être d’arriver à promouvoir a la fois l’idée de la rédemption par l’effort individuel, à opposer au soi-disant laisser-aller des années 70 et l’image d’un pouvoir déterminé pour conjurer l’absence de « garde-fous » de 68.
Mais je veux bien croire que vous avez gouté à la liberté et les « évènements » de Mai 68 sont bel et bien le résultat d’un mouvement apparu dans un contexte. La société avait surement besoin d’ouverture, sur plusieurs plans.
Maintenant ce que je ne comprends pas, c’est comment et pourquoi une grande majorité des personnes impliqués dans ce mouvement, dans son leadership, avec la liberté, l’envie, l’autonomie qu’ils revendiquaient, se sont retrouvés par la suite dans des idéaux de gauche dure, dans la gauche qui bloque les libertés, la gauche qui a fait des ravages, la gauche qui entère et qui punit l’initiative individuelle ? Est-ce le phénomène collectif gouté dans les manifestations ?
» la gauche qui bloque les libertés, la gauche qui a fait des ravages, la gauche qui entère et qui punit l’initiative individuelle ? »
Pourriez-vous argumenter, svp ?
Je constate les idéologies partant de l’extrème gauche, dont beaucoup de leaders de Mai 68 se (se sont) réclament (réclamés) ont pour mode de fonctionnement le nivellage (ou égalitarisme) et par là même la restriction des libertés de l’individu.
Donc je suis d’accord avec André lorsqu’il dit qu’ils ont gouté à la liberté (et je pense vraiment que c’était nécessaire), mais je ne comprends pas pourquoi ils se sont enfermés dans des idéologies, qui certes ont des relents libertaires de prime abord (au moins envers les institutions et les fonctionnements qu’elles critiquent) mais qui lorsque l’on creuse un peu, ou lorsque l’on regarde l’histoire, ont privé l’individu de libertés pour assouvir d’autres idéologies.
Ok, cela ne s’est pas appliqué de manière si forte que dans d’autres malheureux pays en France, mais encore aujourd’hui, beaucoup de personnes seraient pretes à sacrifier beaucoup de valeurs liés à la liberté de l’individu et à un fonctionnement ouvert, sur l’autel du socialisme à la française.
Personnellment je suis de ceux qui considèrent que la liberté est le plus grand bien, si un jour j’avais à participer à un mouvement d’envergure pour dénoncer une privation, ce ne serait pas pour passer de Charybde à Scylla, car si avec Mai 68 on a brisé des tabous, il y en a eu d’autres de créés…
Franchement, j’ai du mal à comprendre de quoi vous voulez parler…
Si vous voulez évoquer certains « corporatismes » qui ont pu apparaître, ne sont-ils pas plutôt le résultat d’un jeu institutionnel éternellement bipolaire qui ne laisse de place aux courants minoritaires que sur le plan des principes ?
Vous qui n’avez pas d’idéologie, inutile de tout idéologiser…
« La gauche qui punit l’initiative individuelle » :
Je suis travailleur indépendant depuis plus de vingt ans et, ô ironie, chaque mesure de type statutaire ou même fiscale ayant favorisé ma « corporation » a systématiquement été promulgée sous un gouvernement de gauche.
Je ne vais pas faire une liste, mais je peux démontrer ce que je dis.
« beaucoup de personnes seraient pretes à sacrifier beaucoup de valeurs liés à la liberté de l’individu et à un fonctionnement ouvert, sur l’autel du socialisme à la française. »
Lesquelles ?
Pour le reste, je crois que votre postulat de départ est loin d’être neutre, mais c’est votre droit.
Mai 68, un pavé dans la mare? Ne regrettons pas en tout cas de l’avoir lancé celui-là: les échanges sont riches.
Le qualificatif « évènements » à propos de cette agitation ne relève d’aucun réflexe pavlovien. Il ne fait qu’emprunter à la terminologie médiatico-politique de l’époque. Parler de révolte serait certainement plus approprié en n’oubliant pas- encore une fois- que celle-ci ne fût pas circonscrite à notre seul pays.
Vouloir aujourd’hui « tuer » un esprit ou une idée dont plus personne ne cultive la mémoire semble s’apparenter à une entreprise idéologique à rebours.
Pourquoi voudrait-on, d’ailleurs,
que la gauche ait l’exclusivité du sectarisme?
La ligne de partage politique entre la droite et la gauche réside dans la perception de la société et de l’être humain: individualisme et méritocratie d’un côté, solidarité et humanisme de l’autre.
« Héritier » de Mai 68 mais aussi de tous les grands mouvements ouvriers, je ne pense pas qu’il faille « plier casaque » devant, l’inexorable réalité économique
qu’on nous décrit, non plus que devantles petits mandataires zélés du Méccano économico-financier mondial.
Possède-t-on encore aujourd’hui l’esprit de justice et de rébellion ou doit-on admettre que la volonté de compétition est en passe de tout supplanter? Au fond c’est peut-être çà « tuer » l’es prit de Mai 68?
Cela étant, je souscris volontiers à l’analyse d’Eguor en date du 9/9/07 qui m’apparaît la plus pertinente à ce sujet. Grand merci à lui.
ait l’exclusivité du sectarisme?