Les frères Bielski : des justes bien discrets !
Par Virginie

En 1941, en Biélorussie, envahie pour les troupes d’Hitler, commence l’une des plus belles histoires de la grande Histoire, écrite par trois hommes justes et courageux, grâce à qui des centaines de milliers de juifs vivent aujourd’hui à travers le monde !
D’abord un drame familial.
Dans la région de Novogrudok, après qu’une partie de leur famille a été victime d’exactions antisémites perpétrées par les allemands, soutenus au début de la guerre par les populations civiles, Tuvia, Zus et Asaël Bielski, fils de meunier, connaissant bien la campagne environnante, décident de se replier dans la forêt.
Ce sont de solides gaillards, ils savent comment survivre dans la forêt et dans les marécages. Ils connaissent de nombreux paysans, ce qui leur permet de pouvoir se cacher parfois dans certaines fermes et surtout de s’approvisionner en nourriture. Très vite ils croisent la route d’autres juifs, ayant fuit les ghettos – alors que beaucoup sont restés passifs, entre attentisme, résignation, foi salvatrice et impression vaine de gagner du temps – et un groupe d’une vingtaine de personne se forme.
Une organisation hors pair.
En quelques mois, ce que l’on appelle alors le groupe Bielski devient un véritable rassemblement de partisans combattant contre les nazis et destiné à sauver le plus de juifs possible. Installés au cœur de la forêt, à quelques kilomètres seulement des nazis, ils s’organisent avec les conditions climatiques, les difficultés d’approvisionnement en vivres et le fait qu’ils soient souvent contraints à fuir dans d’horribles conditions.
Alors que les deux tiers de ses membres ne sont pas des combattants, le groupe Bielski tend des embuscades aux troupes allemandes, exerce des représailles contre les collaborateurs biélorusses et sabote des lignes de chemin de fer. Traqués par les Allemands, les centaines de juifs ainsi réunis – environ 300 – hommes, femmes, enfants, vieillards, doivent se cacher toujours plus profondément dans les bois.
Tuvia – le frère aîné – assure la direction du groupe, sa priorité est de sauver des vies. Zus et Asaël se chargent des actions armées et se font remarquer par les autorités soviétiques. Ainsi, en 1943, le groupe Bielski est officiellement intégré à l’armée des partisans soviétiques. C’est Tuvia qui va gérer les relations complexes avec ces alliés communistes officiellement athées et peu enclins à accepter une unité constituée de juifs… Les réfugiés transforment leurs abris de fortune en véritables villages avec une école, des artisans et même une synagogue !
Une fin de vie bien différente…
L’épopée durera donc plus de deux ans. En 1944, à la libération, le village Bielski abrite 1.200 habitants !
Asaël est mobilisé dans l’Armée Rouge, et sera tué en 1945, lors du siège de Berlin. Son épouse et sa fille – née pendant la guerre – s’installent à Haïfa.
Tuvia et Zus – après un bref retour dans leur village d’origine – émigrent en Israël avec leurs familles, puis décident de s’établir au début des années cinquante à New York. Tuvia est chauffeur-livreur, Zus crée sa compagnie de taxis. Leur plus jeune frère Aron – encore adolescent pendant la guerre – est parti avec eux.
Aujourd’hui Tuvia et Zus sont morts. Leurs veuves et leurs enfants se souviennent de leur modestie et du fait que jamais ils ne se sont considérés comme des héros !
Des œuvres pour ne pas oublier.
Moins connus qu’Oskar Schindler ou d’autres justes, les frères Bielski ont tout de même inspiré de nombreuses oeuvres, dont le roman Defiance de Nechama Tec, Les Frères Bielski de Peter Duffy – avec une préface de Simone Veil – et le film Les Insurgés d’Edward Zwick. Si beaucoup reprochent à ce film de ne pas avoir fait dans le poignant à la Polanski ou dans le grand spectacle à la Spielberg, je trouve pour ma part que le choix de la sobriété sied parfaitement à cette histoire, car les frères Bielski se considéraient comme des hommes comme les autres, sans compter que cela évite de tomber dans le « pathos » ou le classique film de guerre – ce qu’ont pourtant cru beaucoup de personnes en voyant l’affiche avec le visage de Daniel Craig qui joue Tuvia – eh oui… les raccourcis ! Si vous voulez en apprendre plus sur ces hommes exceptionnels, au sens propre du terme, plongez-vous dans ces œuvres de qualité.
Les frères Bielski méritent que l’on se souvienne d’eux !
@Virginie
Merci de de billet. Je suis toujours très fier qu’on puisse lire ce genre de billets sur Voie Militante.
@ Denis,
Tu n’as pas à me remercier.
Voie Militante est un projet collectif – amené à évoluer – et je fais juste modestement ma part.
De surcroît je suis loin d’avoir ton talent.
Au moins on se complète !
Pour info le film passe sur France 2 demain soir (Dimanche 22 janvier 2012 à 20h30)
Même si le film à rencontré des critiques, il vaut pour l’hommage fait aux frères Bielski et à ce qu’ils ont fait. Il est toujours utile de se rappeler que des gens ont réussi à garder leur humanité malgré les barbaries environnantes.
Bonsoir,
Je viens de voir le film, c’est effectivement impressionnant, juste 2 petites remarques :
Je crois que le terme de « justes » dans ce cadre est, me semble-t’il, réservé à des non juifs ayant secourus des juifs, mais à vérifier et cela ne change pas grand chose à cette action incroyable..
Par ailleurs, comme médecin j’ai été choqué d’entendre qu’ils allaient dérober de l’Ampicilline pour soigner le typhus. Or ce médicament est sorti dans les années 1960.
Pour mémoire ce sont les troupes US qui sont arrivés avec la Pénicilline. Un de mes anciens Pr de Médecine racontait qu’ils avaient été « mendier » ce produit aux américains pour sauver un enfant victime d’un « abcès central de la face », maladie particulièrement grave. Il avait été sauvé par une dose ridiculement faible….. les microbes n’étaient pas encore habitués !
Mais je digresse,je digresse, félicitations pour vôtre site0.
@Maurice
Pour être déclaré « Juste parmi les nations » il faut en effet être un non juif.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Juste_parmi_les_nations#La_notion_de_.C2.AB_Juste_parmi_les_nations_.C2.BB_dans_la_tradition_juive
Bien que non médecin cette histoire d’Ampicilline m’avait aussi titillée l’esprit. C’est bien sur anachronisme répertorié dans ce site d’erreurs de films.
http://www.moviemistakes.com/film7807 (en anglais)
J’ai bien aimé ce film plein d’humanité dans l’horreur de cette époque et la prestation bien nuancée de Craig.
Mais comme vétérinaire microbiologiste, je m’attendais plus aux sulfamides qu’à l’Ampicilline !
@ Maurice
Je confirme cette extraordinaire sensibilité des germes à des doses ridicules de pénicilline, que j’ai pu constater moi-même en France et en Algérie sur le bétail dans les années 70 car elle existait encore dans des zones géographiques reculées ou peu consommatrices (et aussi sur les humains, selon les praticiens locaux à qui j’en parlais).
Hommage au frère bielski
J’ai vu le film et j’ai adoré,film très prenant et instructif avec des acteurs excellents.Respect pour ce que ces hommes ont fait et respect pour tous ceux qui ont combattus et repoussé ces horreurs.