Après la CNIL, pourquoi ne pas dissoudre le peuple ?
Par Denis


C’est sur le ton de la confidence que notre champion du numérique Gilles Babinet, nommé le 25 juin 2012 par la ministre déléguée au Numérique Fleur Pellerin auprès de Nelly Kroes (1), vient de déclarer dans l’Usine Nouvelle qu’il fallait dissoudre la CNIL. Pour rappel, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés fut créée par la loi du 6 janvier 1978. Elle a pour attribution de « veiller à ce que l’informatique soit au service du citoyen et qu’elle ne porte atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques« . Les néo-libéraux au pouvoir qui viennent de sacrifier les agences de presse, préférant la capitulation en rase campagne face à Google, ne l’entendent plus de cette oreille.
L’ennemi, ce serait la CNIL ?
Et Gilles Babinet n’y va pas par quatre chemins : la CNIL serait « un ennemi de la nation« en ce qu’elle serait un obstacle à l’industrie numérique. Mais c’est quoi au juste l’industrie numérique française aujourd’hui ? Et si nous en sommes là, est-ce bien là la faute de la CNIL ? Trop occupés à légiférer sur la protection des ayants-droits des œuvres sous la pression des lobbies, les pouvoirs successifs ont oublié d’instituer en France un service universel de très haut débit qui nous permettrait de rivaliser avec les pays tels que le Japon ou la Corée du Sud. Je le rappelais récemment : le nombres des usagers de la fibre est de 3% en France. C’est 63% et 56% pour le Japon et la Corée du Sud. Le débit de connexion moyen dans notre pays est aujourd’hui de 3.7 Mbits/s en France, là où il est de 6.4 Mbits/s en Roumanie ! Il est très surprenant de la part de l’ancien Président du Conseil du Numérique de nous mettre en avant la qualité des infrastructures de notre pays.
Une bonne tête de vainqueur !
De tout cela, notre champion du numérique oublie de nous parler. De la fibre, Gilles Babinet n’en veut pas pour tous les Français. Il la veut pour les « champions » de l’économie. Lui, ce qu’il veut, c’est qu’Internet se transforme en un vaste espace marchand autorisant, à l’image de ce que font Google, Twitter, Facebook et quelques autres, la collecte de données personnelles sans entrave. Ce que veut Gilles Babinet, c’est que nous soyons inondés de toutes ces applications inutiles couplées à la logorrhée publicitaire, à la manière de voisins sans gêne qui nous lâchent leurs décibels. En se faisant l’avocat des marchands, Gilles Babinet, dont l’avenir personnel est suspendu à sa capacité de montrer allégeance aux intérêts des grands groupes de l’Internet, voit dans la CNIL une entrave à sa propre chapelle. Il n’est qu’un esclave de plus.
Le véritable ennemi de la France…
L’ennemi de la France, ce sont toutes ces sociétés qu’aucune loi française ou européenne n’empêche de collecter sans gêne nos données personnelles. Là-encore, l’Europe n’aura servi à rien. L’ennemi de la France, ce sont ces pauvres types cupides qui nous dirigent, au service d’intérêts qui leur permettront d’assurer une retraite paisible et l’avenir de leur petite famille, alors qu’ils sont censés servir l’intérêt général.
(1) la commissaire européenne chargée du Numérique
Crédit photos : Vegetalgraphik