Centenaire 14-18: l’erreur commémorielle
Par Denis


Jeudi, nous discutions mon père et moi du lancement des commémorations organisées à l’occasion du centenaire de la guerre 14-18. Mon père est aujourd’hui président d’une association d’anciens combattants et, à ce titre, il a annoncé qu’il ne commémorerait pas en 2014 l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne il y a 100 ans. « On ne fête pas une entrée en guerre. », m’a-t-il expliqué. « Je peux comprendre qu’on puisse commémorer la victoire de Verdun en 1916« . Même si ce fut une boucherie sans nom, à l’image de cette guerre qui vit 9,8 millions de militaires disparaître au champ de bataille. « Ce que nous devions commémorer, c’est en fait l’armistice de 1918 ! » Mon père a raison.
Se souvenir pour chasser le spectre de la guerre totale !
L’action des anciens combattants est surtout de propager un message de paix aux générations qui n’ont pas connu la guerre. A l’heure de la prolifération de l’arme nucléaire, avec une population de 7 milliards d’habitants, les conséquences d’une guerre totale seraient autrement plus dramatiques que celle de 14-18 ! Mais, à la lueur des chiffres des victimes des conflits et des guerres qui se sont produits en 1945 et après 1945, je m’interroge sur le fait de savoir si nous ne sommes pas en train de fêter les 100 premières années de l’entrée en guerre de l’Humanité.
– denis :
ton père a tout à fait raison : »on ne fete pas une entrée en guerre ». mon père,né en 1918,lui me racontait que pour feter LA VICTOIRE de STALINGRAD par l’armée rouge avec des copains à BREST et sous des tapis de bombes de 500kg, ils avaient abusé,dans une cave,du « gros rouge »,bouteilles de 1 Litre « 3 (ou 4 »?) étoiles -:))
Tiens, je n’y avais pas pensé, mais c’est vrai, on ne commémore pas une entrée en guerre.
@Denis
je ne savais même pas que des gens étaient assez cons pour envisager de fêter l’entrée dans cette terrible guerre…
1914 ? Le 26 octobre, ce sera le centenaire de la mort de mon grand-oncle, tombé en défendant la Belgique près d’Ypres. Pas la joie. Son jeune frère, qui était « au régiment » quand la guerre s’est déclarée, a épousé plus tard la fiancée de celui-ci.
Le 11 novembre 1918, qu’était-ce, en fait ? La mise en tension du futur conflit suivant, une simple trève en somme. Il vaudrait mieux ne garder qu’une seule journée de commémoration, le 2 novembre : surtout que souvent on ne pense pas aux « civils », en particulier les femmes, qui ont payé elles aussi d’un lourd tribut parfaitement oublié toutes les confrontations.
« On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels ».
C’est bien pour ça qu’il y a deux verbes différents….
Commémorer :
Célébrer par une cérémonie le souvenir d’un événement important : Commémorer l’armistice de 1918. (larousse)
Fêter:
Organiser des réjouissances, faire une fête pour marquer, pour célébrer un événement : Fêter un anniversaire. (Larousse)
Pour mon père né en 1920, réfractaire au STO, FFI enrôlé sous l’uniforme US pour combattre dans la poche de Lorient, la réconciliation franco-allemande et l’Europe étaient des nécessités vitales et allaient clore un siècle de haine germano-française datant du 19ème siècle.
Sans aller jusqu’au centenaire de l’entrée en guerre de l’Humanité, les historiens semblent s’accorder à penser que cette guerre initiée en 1914 ne s’est terminée qu’en 1945. Il me sera donc difficile de fêter en 1918 un armistice bien trop revanchard, compte-tenu des conditions de « réparations de dommages de guerre » imposées à l’Allemagne, qui condamnaient à la misère la génération d’allemands pas encore nés et allaient de ce fait permettre au nazisme de s’installer dans un pays humilié et rançonné durablement par la France et ses alliés.
Les poilus avaient tenu leur front à Verdun en donnant leur vie pour rien : moins d’un quart de siècle plus tard, les allemands étaient à Brest, entre autres villes occupées, et le Général Pétain, qui avait signé en 1918, capitulait dans le même wagon, organisant la collaboration avec le perdant de la première manche devenu le vainqueur incontesté de la seconde.
1918, c’est le repos d’une grande mi-temps, une occasion de paix durable ratée par des politiques aveuglés par la haine du boche, pas de quoi se réjouir ! D’ailleurs, les discours des associations d’anciens combattants sont beaucoup plus lucides sur le sujet que l’histoire officielle destinée à souder la nation dans un sentiment patriotique qui s’essoufle à l’heure de l’Europe des régions.
Très bien vu !
Erreur commémorielle ou « acte manqué » plein de sens ?
1914 c’est le début de la guerre suicidaire qui a propulsé les USA comme superpuissance dominatrice,
c’est aussi presque le centenaire de la création de la FED (dec.1913), l’anniversaire de leurs maîtres…
et 2014, l’année probable de l’entrée en vigueur du marché transatlantique qui marquera la fin de l’indépendance des nations européennes (unies ou pas).
La boucle est bouclée, le job est fait dans les temps. Sarko en a rêvé, Hollande l’a fait. Champagne à l’Elysée, c’est logique !
Comprenez-les : dans leur esprit, la commémoration en 2018 de l’armistice, ils s’en moquent, et c’est Marine qui va assez probablement l’organiser !
Il est tout de même important, notamment pour les nouvelles générations qui ne connaissent quasiment plus ce conflit, que les 4 années à venir ravivent un peu le souvenir de cette terrible guerre qui a meurtri de trop nombreuses familles. Ne surtout pas oublier ces millions de morts et les atroces conditions de vie des soldats sur le front.
Un souvenir tout particulier pour mon arrière grand père qui tomba au combat (tué à l’ennemi suivant la formule officielle) en 1915 lors de combats sur la Somme.
Il avait 28 ans, était marié et père de ma grand-mère paternel alors âgée de 2 ans…
Son jeune frère de 20 ans décédera la même année des suites de blessures de guerre. La famille était brisée, leurs deux fils étaient morts à la guerre en moins de 9 mois…
Je ne me suis jamais rendu sur sa tombe au cimetière militaire d’Albert, ce sera l’occasion d’y aller me recueillir avec mes deux enfants.
@Emmanuel
Tout à fait d’accord avec toi sur le devoir de mémoire ! Mais 2018 plutôt que 2014. Il faudrait s’interroger sur cet « empressement » à commémorer.
On notera aussi que les « hommes sous les drapeaux » n’ont pas retrouvé leurs foyers immédiatement après l’armistice : mon grand-père est revenu chez lui avant les autres parce qu’il avait perdu un frère à la guerre ; ce ne fut malgré tout qu’en mai 1919. Comme il avait sans discontinuer fait son service militaire de 3 ans, puis la guerre (à la déclaration de guerre il lui restait 52 jours), on peut imaginer combien lui et ses copains pouvaient être déboussolés au bout de 8 ans loin des travaux des champs, puisque alors l’agriculture était de loin l’effectif le plus important.
– emmanuel
je connais bien ALBERT (80). à ne surtout pas manquer: le « centre de la mémoire », musée/mémorial souterrain situé au pied de l’église,si caractéristique avec son clocher doré, visible de très loin, détruite puis reconstruite à l’identique.le monument aux morts également impressionnant par le nombre de tués cités.
Je comprends l’avis de ton grand-père mais pour les nouvelles générations il s’agit plus de commémorer que de fêter, de transmettre une histoire, de faire notre devoir de mémoire. Et en cela, on devrait le faire pendant plus de quatre ans ! que l’on commence en 2014 n’est donc pas choquant, au contraire. Il faut expliquer ce qui s’est passé. Il ne s’agit pas de sortir le champagne, de fêter une victoire. Mais de se rappeler, toutes ces atrocités, pour que jamais on ne revive une telle boucherie.