Islande, une nouvelle constitution collaborative
Par Yann

Partis politiques, des structures de masse très hiérarchisées.
Denis, dans son étude historique du parti politique, nous décrit bien le contexte historique de sa création, celui des sociétés de la fin du XIXieme – début du XXieme siècle. La structure est très hiérarchisées avec une vision collective et simpliste de l’individu souvent réduite à son groupe d’appartenance principal.
Le sentiment grégaire y est prépondérant. Il en résulte une mentalité plus portée par l’idéologie que par le débat d’idées. Un auteur latin écrivait déjà en son temps « mundus vult decipi, ergo decipiatur ». Le monde veut être trompé, qu’il donc le soit!
Tocqueville, très lucide en son temps, avait écrit que « L’individualisme est un sentiment réfléchi qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse de ses semblables de telle sorte que, après s’être créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même ». Nous sommes aujourd’hui dans cette société individualiste, complexe et atomisée. Le parti politique d’antan y est une structure archaïque à l’efficacité décroissante qui subsiste surtout par défaut.
Un des gros problèmes est que l’individu peut à la fois être fumeur de haschich, centriste, chrétien, pour le mariage homosexuel, contre l’avortement, aimer le théâtre classique, le rock… être socialiste et libéral (pour les deux derniers c’est une blague bien sur!). Pas facile de caser tout cela dans un parti politique offrant le « prêt à penser » peu souple !
Le dernier grand risque en date et potentiellement suicidaire pour le parti politique, c’est la divergence croissante avec l’opinion publique. Rappelons-nous le déni de démocratie du référendum européen de 2005. Les partis ont fait fi du vote populaire : « le peuple n’est pas d’accord ? alors il faut dissoudre le peuple ! » Cette attitude contribue à asseoir dans l’opinion l’idée que la classe politique dominante des « grands partis » a des intérêts et des préoccupations radicalement différents et même opposés de ceux de la population.
Islande: démocratie directe décentralisée et réseaux sociaux:
Voici une nouveauté qui nous vient d’ Islande, un des pays qui était le plus « avancé » dans la théocratie néo-libérale (dieu = marché) et qui est maintenant le plus avancé dans la crise et sa gestion.
« Les banques ont été nationalisées, le gouvernement et le parlement renversés, quelques politiques traduits en justice et le peuple a été sollicité par référendum sur son avenir. Le tout aboutissant assez logiquement à la volonté d’un profond renouveau constitutionnel. » (1)
Ainsi les choses sont posées clairement.
Une nouvelle constitution est actuellement en cours de rédaction. Mais, fait nouveau et inhabituel, ce n’est pas une oligarchie qui l’écrit en effet:
« Depuis avril dernier, 25 « conseillers » élus (de manière assez chaotique) sont chargés de diriger l’écriture de la nouvelle constitution du pays. Physicien, directeur de théâtre, pasteur, professeur d’économie, journaliste, avocat, étudiant, ils sont issus de la société civile. Le processus se veut collaboratif. Les projets de clause sont publiés sur le site du gouvernement chaque semaine. Les internautes peuvent directement réagir sur le forum dédié et/ou sur la page Facebook du « conseil » lequel partage ses idées sur Twitter, poste des interviews sur une chaine Youtube ou des photos des séances de travail sur Flickr » (1)
La décadence morale et économique de l’oligarchie politico-financière et les dégâts qu’elle cause pourrait en effet marquer un retour presque contraint du citoyen les poches dorénavant presque vides dans les affaires de la cité, les alternatives peu réjouissantes étant le renoncement et/ou la violence.
Bien sûr, l’Islande est un très petit pays très informatisé où il est possible d’envisager une forme de démocratie directe, ce qui n’est pas le cas de la majorité des autres pays. Les réseaux sociaux ne vont pas remplacer demain matin les partis politiques. C’est certain ! Je pense néanmoins qu’ils devront faire partie de la réponse globale au problème. Comment et sous quelle forme ? Impossible de le savoir pour le moment car nous ne sommes qu’au début de l’émergence de nouvelles structures encore très floues qui ne seront visibles qu’a posteriori.
Mais si nous pouvions éviter le retour aux mouvements de masse des années 30, cela ne serait pas mal du tout !
Sources :
- (1) La révolution islandaise poursuit sa route.
- Constitution Islandaise en ligne en anglais et en islandais
Crédit photos : Marianne2, Le Soir, Pierre Assouline
L’individualisme, dont tu nous rappelles, au travers de ton billet, l’emprise sur la société est aussi au cœur d’un système totalisant qui oublie le principe de responsabilité.
Un GROS bémol : vérifier ce qui aura au bout du compte été retenu des propositions des citoyens …
Il est rare que les gens au pouvoir acceptent de bonne grâce de partager ce pouvoir non?
Donc bien sur cette consultation risque d’être moins consultative dans la réalité que dans le marketing.